phoenix + i used to be normal.

Pourquoi avez-vous choisi d'étudier à l'université de Chicago ? Pour m'éloigner de mes parents dans un premier temps et parce que mon premier amour n'avait été accepté qu'à cet endroit. Je l'ai suivi naturellement, ne voulant pas être séparée de lui, c'est plutôt équilibré comme choix non ?

Quelles sont vos sources de financement universitaire ? Je n'ai pas envie de dire à cause de... Mais je ne sais pas quelle autre formule utilisée alors je suis contrainte de l'employer. À cause des revenus exorbitants de mes parents, je n'ai pas touché de bourse malgré mon excellent niveau, alors ce sont mes géniteurs qui paient mes frais de scolarité.

Que pensez-vous du système de confrérie ? Je suis raide dingue du système de confréries qui n'existe malheureusement pas en France. Cela permet de pimenter la vie étudiante, de se créer un bon réseau d'amis et plus si affinités. En faisant partie d'une confrérie, on se sent encore plus important et inclus dans la vie de la faculté.

D'ailleurs, faites-vous partie d'une confrérie ? Si oui, depuis combien de temps ? Je fais partie des ALPHA OMICRON PI depuis maintenant quatre ans. Quand j'ai débarqué à Chicago, j'ai mis un certain temps à m'intégrer et puis on m'a parlé de cette fameuse confrérie féminine. Disons qu'on m'a quasiment charmé pour que j'y postule. J'avais selon les femmes composant cette confrérie, toutes les qualités requises pour faire une bonne ALPHA. Je venais de me faire larguer, j'étais désormais seule au monde. Il fallait que je trouve une autre famille, je me suis donc tournée vers les ΑΟΠ. En entrant chez les ΑΟΠ je désirais compléter cette communauté en leur apportant mon sex-appeal hors du commun. Au moment où je postulais pour entrer dans les rangs de cette confrérie, j'étais acceptée dans l'équipe des pompom girls de l'université. Encore un point commun que je pourrais partager avec un bon nombre d'entre elles. Je ne me voyais nulle part ailleurs de toute façon. Je suis trop bien précieuse pour appartenir aux Kappa, je suis peut être friquée comme les Phi Delta mais je ne supporte pas étaler ma richesse, j'ai peut être un bon quotient intellectuel et une rigueur de travail importante mais je ne fais pas du boulot mon centre d'intérêt principal alors loin de moi les Zeta. Oui j'aime m'amuser mais avec modération alors les Delta ne sont pas forcément pour moi. Je vous promet, être une Alpha était plus que ma destinée. Alors bien sûr, je suis passée par la case bizutage. Elles m'ont cuisiné à travers des pyjamas parties, j'ai même dû me venger de mon ancien petit ami histoire de ruiner sa vie universitaire. Même si sur le coup, je pensais vivre un vrai calvaire, aujourd'hui, avec du recul, je les en remercie. Elles ont réussi à cicatriser mes plaies béantes de l'époque. J'ai dû brosser les cheveux de la présidente tous les soirs, j'ai séduit des hommes Sigma en couple avec mes bizutrices pour prouver leur fidélité.  En fin de compte, j'ai juste prouvé ma valeur et mon investissement pour la confrérie. Elles n'ont pas toujours été tendre et j'ai parfois pleuré dans mon coin mais j'ai réussi et actuellement, ce sont mes soeurs chéries.  

Je suis obligée de m'y rendre si je désire un jour prétendre être psychologue. Ça ne me gêne pas du tout d'étaler ma vie, je sais qu'Austin est un bon professionnel et que tout ce qui est dit dans son bureau, reste dans son bureau. Aujourd'hui, c'est une séance bilan de ma vie. Je n'ai pas dormi de la nuit, j'ai tourné dans tous les sens jusqu'à ce que mon réveil sonne. Je n'attendais que ça, que la journée démarre pour que je me débarrasse de mon entretien. J'ai besoin d'évacuer tout ce que j'ai remué cette nuit. Je m'habille et je file sur les chapeaux de roues au volant de ma porsche toute neuve. Je me gare dans le parking réservé à la clientèle et je glisse mon étole sur mes épaules. J'entre dans le cabinet d'Austin et me fige dans la salle d'attente. Il y a quelqu'un. Je n'entends que des sons étouffés, merci l'isolation. Après quelques minutes d'attente à me ronger ma manucure toute fraîche, Austin, mon mentor surgit. Il est l'heure d'entrer en scène et de maltraiter mon inconscient. J'entre dans son bureau moderne et m'assied comme à mon habitude sur son fauteuil jaune moutarde. Je croise les jambes et attend qu'Austin prenne place en face de moi.

" Alors Mademoiselle Westmore, par où aller vous commencer ? Vous vous rappeler de la mission d'aujourd'hui ? Vous devez vous présenter à moi, faire votre autobiographie en gros. "

J'hoche la tête pour acquiescer tandis que mon pouls s'accélère. " Eum, je me présente, je m'appelle Phoenix, Victoria, Westmore. Je suis née en France à Paris. Mon père est un américain ayant fait fortune en France grâce à une chaîne d'hôtels et ma mère est une artiste française. Enfaite c'est plutôt une petite bourgeoise, une sorte de comtesse si vous préférez. On m'a appelé Phoenix par rapport à mes grands parents paternels qui sont nés là-bas. " Je ne sais plus quoi dire d'autre, j'ai l'impression de trop m'entendre parler. Je me sens perdue, je ne sais plus par où continuer.

" Et ensuite, où vous avez grandi ? Expliquez moi comment vous en êtes arrivée dans mon bureau Phoenix. " me demande Austin en croisant ses bras et en dépliant ses jambes sur son bureau. Son attitude un peu trop décontractée avec moi me gêne parfois. Je le dévisage un instant avec mes grands yeux bleus avant de lui répondre. Je dois mettre de l'ordre dans mes idées, ce n'est pas toujours évident quand on a passé vingt quatre années sur Terre.

" J'ai vécu toute ma vie en France. Paris n'a plus aucun secret pour moi mais le sud de la France non plus. Je n'ai atterri aux États Unis pour de bon que pour mes études. Bon bien évidemment j'ai déjà rendu visite à ma famille du côté de mon père durant ma jeunesse, mais jamais assez longtemps pour me considérer comme une américaine. " je marque une pause et reprend en grattant ma gorge. " J'ai étudié dans des écoles parisiennes et j'ai rencontré mon premier amour via un échange au lycée. Il est venu chez moi, je suis allée chez lui. On a communiqué un an par internet avant de se retrouver pour de bon à Chicago là où il avait été accepté pour ses études. J'ai quitté Paris après mon baccalauréat pour le rejoindre. Cela fait donc six ans, c'est énorme, on dirait pas. " surtout que j'ai quitté ma France natale pour un type qui m'a largué un an après. Quelle honte. " J'ai oublié de mentionner que j'ai une soeur jumelle avec qui c'est la guerre je ne sais pour quelles raisons. " rajoutais-je en levant les yeux au plafond. Cette annonce me bloque pour la suite, j'ai besoin de lui pour redémarrer, pitié, dites quelque chose bon sang !

" Et pourquoi êtes vous dans mon bureau, que faites vous depuis votre arrivée à Chicago ?"  

Ouf, il m'a relancé, merci seigneur. " Alors j'étudie la psychologie depuis six années maintenant, c'est plus qu'une passion, c'est une vocation je pense. C'est dingue, parce qu'avec des patients lors de mes stages, je suis totalement à l'écoute et compatissante alors que dans la vie de tous les jours je suis une garce impitoyable. " déclarais-je, le regard noyé dans le vide. " Je fais partie d'une confrérie depuis quatre ans. C'est une sororité exceptionnelle, je me suis faite de bonnes amies là-bas et une fois que je quitterais la faculté, ce monde va sûrement me manquer " soufflais-je avec nostalgie. " Voilà à peu près mon autobiographie. Je suis une fille de riches qui ne se connaît pas bien mais qui fait croire le contraire au monde entier. Je me déteste plus que je ne m'aime et je suis à Chicago pour fuir l'héritage qu'on veut me donner. " terminais-je par avouer en coinçant ma lourde mèche de cheveux derrière mon oreille. D'après la mine de mon psy', je pense que je l'ai surpris par ma dernière réponse.

" Très bien, je note cela et on en reparle la prochaine fois, je pense qu'on a un peu de boulot ensemble mais vous n'êtes pas un monstre Mademoiselle Westmore, ne vous en faites pas " il se lève, me sourit et me tend la main pour me dire au revoir. Je serre sa main et n'ose pas le remercier pour sa tentative de déculpabilisation. Je tourne les talons et disparais, prête à reprendre les cours.