CELESTE (take me to church)

Pourquoi avez-vous choisi d'étudier à l'université de Chicago ? C'était comme une évidence. A peine mes pieds avaient frôlés le sol que mon avenir était déjà tout tracé. Main dans la main avec ma sœur, Siloë, on s'est suivies sans jamais se lâcher, toutes deux motivées par la même chose : la réussite. On aurait pu aller ailleurs, dans une université supérieure mais Chicago nous a vu grandir et nous verra très certainement mourir. J'irai pas me plaindre de mon choix car il a été mûrement réfléchi mais parfois, sans jamais le dire, je rêve d'aller ailleurs, de m'envoler vers Harvard ou Stanford. Cependant ça revient à abandonner Siloë, mon frère et mes parents. Impossible. Puis cette université, c'est une valeur sentimentale. Lieu de rencontre de notre père, jeune américain droit dans ses baskets et notre mère, jeune finlandaise à Chicago pendant une année d'étude à l'étranger. Ça a été le coup de foudre. Et bien que mon côté terre à terre ne voudra jamais l'admettre, leur histoire m'a toujours faite rêver.

Quelles sont vos sources de financement universitaire ? Ça serait mentir que d'affirmer une quelconque indépendance pour financer mes études. Mes parents ont toujours été présents dans ma scolarité, que ça soit pour payer l'inscription ou pour m'aider à trouver une filière qui me plaît vraiment. Et encore aujourd'hui, ce sont eux qui assurent une bonne partie de mon financement universitaire malgré notre niveau de vie modeste. C'est-à-dire qu'être pasteur et maîtresse de maternelle ne vous permet pas monts et merveilles, surtout quand vous avez trois enfants à votre charge. Alors je travaille à temps partiel les week-end dans une supérette non loin du campus. Oui oui, c'est bien moi qui te vois acheter tes bières et autres alcools bien plus fort pour te la mettre le samedi soir.

Que pensez-vous du système de confrérie ? A la fois pour et à la fois contre, mon cœur balance et ma raison ne sait plus où donner de la tête. Si j'ai pu, tout comme ma sœur, être très réfractaire à ce système au tout début, c'est en arrivant à l'université que j'ai compris sa vraie utilité. Au delà de tous les problèmes qu'on leur rapporte, les confréries sont un excellent moyen de s'intégrer et de partager des souvenirs avec d'autres étudiants qui partagent, en général, les mêmes centres d'intérêts de toi. Ouais, je suis pas peu fière d'avoir changer d'avis sur la question, mais bon faut avouer que parfois, j'me demande quand même s'il n'existe pas meilleur moyen.

D'ailleurs, faites-vous partie d'une confrérie ? Si oui, depuis combien de temps ? Membre des ZETA PSI depuis mon entrée à l'université de Chicago, le choix a été vite fait. Vous savez, cette première journée où vous arrivez sur le campus et que vous ne savez plus où regarder ? Cette première journée où les membres de chaque confrérie ainsi que ceux des clubs/associations vous interpellent pour vous attirer vers leur stand aux bannières montées de toute pièce affichant une propagande inégalable ? Ce jour-là, j'me suis retrouvée devant celui des ZETA, m'informant de leur centre d'intérêt et de leurs grandes valeurs. A moi toute seule, je peux être considérer comme un cliché de cette confrérie. Bosseuse de jour comme de nuit, aimant la solitude et mes bouquins plus que n'importe quelle présence humaine et surtout, allergique aux soirées alcoolisées. La plupart des ZETA n'aiment pas vraiment ce stéréotype qui les colle au train arrière, et c'est sûrement grâce à mon fort caractère que j'ai été accepté et non pas balancée chez les KAPPA, confrérie où ma sœur a trouvé son bonheur. Siloë c'est la discrétion, le calme, tandis que moi c'est la tempête, le caractère qui donne mal à la tête. Qu'un pauvre DELTA me cherche et il me trouve. C'est aussi simple que ça. Derrière mon allure d'intello à lunettes se cache une vraie lionne, ou tout du moins c'est ce que s'amuse à dire mon frère -que j'emmerde. Alors, je m'épanouis aux côtés de mes frères et soeurs ZETA, j'apprécie leur compagnie quand je fais une pause entre deux révisions. On peut pas s'entendre avec tout le monde mais en général dans cette confrérie, on fait son possible pour que chacun y trouve sa place. Et les soirées du samedi soir me direz vous ? Je survis, vous en faites pas.
Mais bien sûr, qui dit confrérie dit bizutage à l'entrée. A vrai dire, c'est ce qui me repousse le plus dans ce système. Je suis ce genre de fille qui va lire les articles sur tous les débordements qu'il y a eu. Encore hier j'ai lu un article sur un bizut qui a perdu quatre doigts dans la neige après avoir fait des pompes mains nues. Quatre doigts. Quatre foutus doigts en moins ! Je sais pas si vous réalisez mais c'est presque la moitié de ce qu'on a. C'est donc angoissée que j'ai commencé mon bizutage. Pour au final, être agréablement surprise. J'ai eu la chance de tomber dans une confrérie où les rituels n'étaient pas poussés à l'extrême virant dans le morbide. J'ai dû quand même participer à des choses que d'ordinaire, on ne me verra jamais faire telle que de me battre dans la boue avec les autres bizuts, uniquement vêtue de mes sous-vêtements, pour récupérer un poulpe vivant et immonde. Le visage couvert de boue et d'encre dont ce bon vieux poulpe m'avait aspergée, j'ai triomphé. Maintenant, cette première année est bien loin mais ne me servez pas de poulpe, pieuvre ou autres octopodes à manger, merci.