Cliché n°1: Les professeurs d'histoire donnent toujours des prénoms ridicules à leur progéniture.
Il y a neuf muses dans la mythologie grecque. Certaines portent de beaux prénoms, comme Clio, Calliope, ou encore Thalia... Mais non. Ton père a préféré Erato, ou le prénom à coucher dehors. Toutefois, tu eus de la chance. Lorsque ta mère découvrit lors de son septième mois de grossesse qu'Erato était la muse de la littérature érotique, elle a radicalement banni son compagnon de nommer leur fille.
Pourquoi donner un prénom pareil à son propre enfant? Encore aujourd'hui, tu te poses toujours la question. Pour comprendre comment tu t'es retrouvée avec un second prénom aussi débile, il vaut mieux rembobiner, non?
En 1987, Xylom Joyce était un jeune étudiant en histoire de 23 ans à Trinity College. Il était enjôleur, drôle, sociable, un peu pervers sur les bords... Mais surtout, il aimait faire la fête. Surtout quand il y avait de la bière à portée de main. Lorsqu'il découvrit que la faculté d'informatique allait faire une énorme soirée d'intégration, il décida de squatter, bien évidemment. Ayant quelques pintes dans le nez à peine la soirée commencée, il prit son courage à deux mains et alla draguer une jeune fille du nom de Caitlin Gallagher. A 22 ans, sa vie se résumait aux ordinateurs et aux soirées entre mecs. Véritable garçon manqué, ses amis l'avaient forcé à prendre soin d'elle lors de cette fête, la suppliant de laisser ses longs cheveux roux détachés. Et visiblement, cela fonctionnait plutôt bien, au vu des regards qui se posaient sur elle... Mais Caitlin était naïve. Les garçons n'étaient à ses yeux que des amis, rien d'autre. Xylom était son premier véritable petit ami, et elle n'avait pas l'habitude d'être traitée de cette façon.
Dix-huit mois plus tard, la personnalité de Caitlin bascula. Tout ça à cause d'un bout de plastique avec deux traits dessus. Lorsqu'il apprit la grossesse de sa petite amie, Xylom sauta sur l'occasion pour lui déclarer que leur enfant aurait un nom grec. Ceci était non négociable. C'était sans compter sur l'obstination de sa compagne, qui fit tout pour refuser ce nom qu'elle trouvait incroyablement laid.
Le 30 avril 1990, la petite fille qui naquit à l'hôpital de Limerick devait s'appeler Erato Saoirse Joyce. Toutefois, Caitlin avait d'autres idées en tête et, à l'insu de son partenaire, changea les prénoms qu'il avait choisis pour appeler son enfant Caoimhe. Une chose était certaine: En faisant ce choix, une mère venait de sauver la scolarité, et accessoirement la vie, de sa progéniture. Merci Maman!
Cliché n°1: Totalement véridique. ✓
Cliché n°2: les Irlandais aiment la nature. Ils voient d'ailleurs des fées dans les forêts et aimeraient piquer les chaudrons remplis d'or des Leprechauns.
Pour ta mère, tu étais un rayon de soleil, sa nouvelle raison de vivre. Elle t'aimait et te couvrait de cadeaux. Toutefois, comme ton père, elle était rarement à la maison. Tu passais donc la plupart de tes journées à Shannon avec Mamie, ou la personne la plus adorable du monde. Avec elle, tout était prétexte à aller se balader en campagne ou sur les bords de mer, et vous passiez votre temps à regarder les magnifiques paysages se déroulant sous vos yeux. Bon, à trois ans, ce que tu voyais, c'était surtout l'herbe verte et mouillée dans laquelle tu pouvais te rouler pour faire chier Maman en rentrant chez toi le soir.
Quand on est enfant, la vie est simple. Tu manges, tu pionces et tu t'amuses en courant sur les collines ou en lisant des livres pour enfants. Parce que oui, pour toi, lire, ou plutôt regarder les images sur le bouquin en essayant de déchiffrer les hiéroglyphes qu'il y a à côté était une forme d'amusement. Mamie essayait de t'apprendre comment ces lettres fonctionnaient, les mots qu'elles pouvaient former... Et cela te fascinait. Pour essayer de mieux comprendre ce mystère qui avait l'air d'être évident pour les grands, tu harcelas ta grand-mère pour faire des exercices avec elle.
Se rouler dans les collines, c'est pour les gamins. Lire, c'est pour les grands. Et telle une grande fille, tu restas terrée dans tes livres dès l'âge de 5 ans pour ne plus jamais en ressortir. La fiction, c'est parfois tellement mieux que la réalité...
Cliché n°2: Si jamais tu vois un leprechaun qui voyage sur un arc-en-ciel... C'est que tu en as trop pris gros! x
Cliché n°3: Les irlandais sont des personnes rustres et incultes.
A six ans, tu allas enfin à l'école. Tous les matins, tu montais toute excitée dans la voiture de ton père et vous parliez joyeusement jusqu'à l'université de Limerick. Du lieu de travail de Papa, tu marchais tranquillement en direction de ton école, qui était à peine 100 mètres. Tu t'entendais avec tout le monde là-bas; les enfants de ta classe, les grands des classes supérieures, mais aussi avec les professeurs, qui te voyaient comme un petit génie. Le seul problème, c'est que tu t'ennuyais en classe. Alors tu lisais dans ton coin ou jouais avec tes petits camarades qui eux, n'avaient pas encore fini leurs exercices.
En quelques mois, tu étais devenu le petit clown de l'école qui faisait n'importe quoi pour avoir encore plus d'amis, quitte à être mise au coin par la méchante maîtresse. Tu avais même réussi à te mettre dans la poche certains étudiants de l'université voisine avec tes grimaces et tes remarques naïves. L'école t'ennuyait de plus en plus. Le programme scolaire? C'est pour les nains! A la place, tu demandais des livres à ces étudiants et tu leur posais plein de questions toutes plus poussées les unes que les autres. Sans t'en rendre compte, un puits s'était formé, et il ne pouvait être rempli que de savoir et de connaissances multiples., et tu tentais de l'abreuver de ton mieux sans te rendre compte que la terre qu'il y avait en-dessous absorbait tout, le laissant sec au bout de quelques jours. Très rapidement, il t'en fallait plus. Tes devoirs torchés, tu allais dans la bibliothèque de Papa et dévorais tout ce que tu pouvais comprendre. Tu suivais les cours de la classe supérieure parce que tout t'ennuyait. Tu continuais à foutre la merde, au grand dam des professeurs qui voyaient en toi une future Marie Curie.
Et dans le fond, tu savais qu'elles n'avaient pas tort.
Cliché n°3: Non mais tu as craqué! Les irlandais ne sont pas rustres! Enfin si... Mais uniquement lorsqu'ils sont bourrés. Ou au volant. Ou les deux. x
Cliché n°4: En Irlande, les gens sont très catholiques. Ils se marient et ont beaucoup d'enfants... Même si peu d'entre eux ont une gueule de Prince Charmant.
Tu avais beau supplier Papa et Maman de te donner un petit frère, ils ne l'ont jamais fait. Pire, ils ne se sont jamais mariés, au grand désespoir de ta grand-mère, qui se plaignait constamment entre deux balades. Du haut de tes 8 ans, tu ne comprenais pas trop ce qui se passait entre tes parents adorés mais une chose était sûre; il y avait de l'eau dans le gaz. Les disputes devenaient quotidiennes et, malgré tes efforts pour te boucher les oreilles, tu parvenais à entendre pourquoi: Papa allait devoir déménager. Seul. A Dublin.
En effet, ton père avait été engagé en tant que professeur d'histoire antique dans la meilleure université du pays. Il pouvait maintenant enseigner ce qui le passionnait sans avoir à passer par les siècles plus modernes qui le rebutait. Bien sûr, Maman n'était pas d'accord. Mais cela n'était pas suffisant. Xylom fit ses valises et partit prendre un appartement à proximité de Trinity College. Pour la première fois de ta vie, tu visitas la capitale et tomba amoureuse de cette ville. Tu venais de te décider: Quand tu serais grande, tu feras tes études ici ou nulle part.
Les pensées et les idéaux changent vite lorsqu'on est enfant. C'est une certitude. Quatre ans plus tard, tu venais d'entrer au collège lorsque tu entendis parler de l'université de Chicago. La fille du magnat local voulait à tout prix y entrer et faire partie de ce club pour gosse de riches. Au début, son discours ressemblait plus à du charabia qu'autre chose. Mais en allant chercher sur Internet cette fameuse université, tes yeux se mirent à briller. C'était encore plus beau que Trinity College. Plus grand, plus spacieux, avec un campus à l'américaine comme dans
American Pie... Mais c'était aussi plus cher. Ta mère eut son premier cheveu blanc en voyant le prix d'une année de scolarité là-bas, et tenta de te dissuader du mieux qu'elle pouvait. Sauf que tu es irlandaise, et qu'un irlandais, c'est têtu comme une mule.
A l'adolescence, les changements physiques se multiplièrent. Tu pris quinze centimètres en un an, dépassant maintenant tous tes camarades de classe. Ta taille te complexait à l'époque mais à l'heure actuelle, tu protèges le monde du haut de ton mètre 80. Si tu t’allongeais, tu ne t'épaississais pas, bien au contraire. A chaque fois que tu allais chez ta grand-mère, elle se plaignait du fait que tu n'avais que la peau sur les os, et te forçait à manger une double portion façon Mamie
(Sachant que chez Mamie Gallagher, une portion peut déjà nourrir 3 personnes...). Malgré les hormones qui n'en faisaient qu'à leur tête, tu ne changeas pas pour autant de personnalité. Tu restais joyeuse, studieuse, prête à aider les autres et entourée d'une liste d'amis qui s'allongeait de jour en jour. Tout allait bien pour toi dans le meilleur des mondes. Il ne manquait plus que le générique des Bisounours pour que tout soit parfait.
Malheureusement, les problèmes familiaux étaient bien présents, eux. Et ils rendaient ce monde parfait un peu plus gris. Un beau jour, ta mère vint te dire que tout était terminé. Tes parents s'étaient séparés définitivement après les nombreuses incartades de ton père à Dublin. Ta réaction? Tu n'en avais rien à faire. Après tout, tu avais vu ton père avec une de ces femmes et pour toi, tes parents s'étaient déjà quittés lorsque Papa reçut ce poste à Dublin. Tu accueillis la nouvelle avec un simple haussement d'épaules, et la vie continuait paisiblement... Attendez. C'est qui ce Monsieur là?
Cliché n°4: Haha! T'as cru que l'Irlande était bloquée au XIXè siècle?! x
Cliché n°5: Les filles sont un peu comme des girouettes. 5 minutes et hop! Elles ont changé d'humeur!
Alors que tu rentrais du collège, un homme fit irruption dans ton champ de vision, repartant aussi vite qu'il était venu... Deux secondes. L'homme était pas en caleçon? Ah. Si.
Ta mère avait retrouvé quelqu'un. Tu aurais été contente si tu ne l'avais pas vu courir à moitié à poil dans la maison familiale... A part cette rencontre qui te brûlera les yeux jusqu'à ton dernier souffle, c'était un gars sympa. Il travaillait avec ta mère, et tous deux avaient l'air de beaucoup d'apprécier. Tant mieux. Quelques temps plus tard, il amena avec lui un de ses neveux devenu orphelin. Lorsque tu vis Tom pour la première fois, tu tentas de lui faire un câlin avant de te retrouver les quatre fers en l'air sans comprendre ce qui t'arrivait. Mais ce n'était pas ça qui allait te rebuter, ça non! Même si tu ne l'appréciais pas à cause de ce qu'il t'avait fait lors de votre première rencontre, tu tentas de lui enseigner l'anglais et l'histoire du pays du mieux que tu le pouvais. Dans le fond, tu compatissais avec le pauvre garçon. Mais au fur et à mesure, tu appris à l'apprécier. Lui était calme et réservé, toi extravertie et joyeuse... Le duo que vous formiez était disparate, mais il fonctionnait.
En parallèle, ton père quitta le pays à l'aube de ton seizième anniversaire. Avant de partir, il t'expliqua qu'il avait été engagé à Chicago, prenant le risque de tout quitter au vu du salaire considérable que cela lui offrait. Tu lui promis de le retrouver là-bas, et que tu réaliserais ton rêve coûte que coûte. Pour ce faire, tu te plongeas encore plus profondément dans les livres afin de réussir à pratiquer ce métier tant rêvé depuis l'enfance: ingénieur dans la police scientifique.
Tout allait bien, vraiment. Tom avait maîtrisé l'anglais, tu venais de postuler avec succès à l'université de Chicago, et tu avais même fini le lycée major de promotion. La lettre indiquant ton admission dans cette école prestigieuse arriva quelques semaines plus tard et, tout comme ton père deux ans auparavant, tu fis tes valises direction les Etats-Unis. Ton rêve devenait réalité, mais tu savais qu'il était obligatoire de travailler dur pour y arriver.
Cliché n°5: Bien sûr que... Allez, soyons honnêtes. Les filles, ça change d'opinion comme de soutif. ✓
Cliché n°6: Le rêve américain existe encore de nos jours.
Lorsque tu débarquas à Chicago, la première porte à laquelle tu frappas fut celle de ton père. Celui-ci t'ouvrit en peignoir - à ce moment, tu savais que tu avais vu ton quota d'hommes à poil avant la débauche universitaire! - et t'accueillit chez lui. Deux ans étaient passés, donc vous tentâtes de les rattraper le plus rapidement possible.
Puis la rentrée arriva et avec elle le rite d'entrée des confréries. Ta première année passa tellement vite entre les cours, les bizutages, les jours passés à délivrer des haikus en guise de phrases et les révisions pour les examens que les vacances d'été arrivèrent, te libérant de ton statut de bizu et te laissant complètement déboussolée.
Si quelqu'un t'avait dit que les années passées à l'université étaient les meilleures de l'existence, tu l'aurais approuvé. Mais tu serais revenu le voir pour lui coller une patate parce qu'il a oublié de te prévenir à quel point ces moments passaient vite. Ta vie est simple, sans trop de drames ni de problèmes. Tu quittas l'appartement de ton père au bout de trois ans pour t'installer dans ton propre cocon, un petit chez-toi que tu payais toi-même grâce à ton petit boulot de vendeuse.
Il y a quelques mois, Tom débarqua à Chicago, et tu l'accueillis chez toi à bras ouverts. Certes, il y avait une certaine promiscuité à vivre avec un homme, mais le considérant comme ton frère, tu t'en fiches royalement. Les autres êtres possédant une verge passent sans rester dans les pièces exiguës de ton appartement, et tu passes tes journées à étudier au QG de la confrérie. Rien de spécial.
Mais tu es heureuse.
Le soleil brille, les oiseaux chantent, les livres sentent bon. Il ne manque plus qu'une chanson des Minikeums en musique de fond et ta vie serait un épisode des Teletubbies.
Cliché n°6: Vrai, vrai et encore vrai! ✓