Playtime with my little pony ✽ Riley&Mycroft

Quoi de mieux qu’une bonne bière par un bel après-midi ensoleillé ? Une bonne bière en imaginant une blague que je pourrais faire à Riley pour pardonner son retard impardonnable. Bon d’accord, il n’était pas vraiment en retard puisque je lui avais envoyé un message il y a à peine un quart d’heure parce que je m’ennuyais tout seul. Je sais, j’étais pitoyable. Alors je me suis dit « Autant être pitoyable à deux, non ? » C’est donc pour ça que j’avais contacté mon cher petit poney Riley. Pourquoi petit poney ? Je ne sais pas. Je trouvais que ça lui allait bien. Et puis il avait les cheveux aussi jolis que ceux des petites figurines, donc j’avais à peu près raison de le surnommer comme tel.
Un sourire s’épanouit sur mon visage lorsque je repensais à ma dernière blague. Franchement, ce fût un éclair de génie. Qui aurait pensé que remplir la chambre de Riley avec la collection complète des My Little Poney aurait été si drôle. Sa tête en découvrant le poney grandeur nature rose trônant au milieu de la pièce avait été anthologique et je l’avais bien évidemment immortalisée et affiché sur un poster géant dans l’entrée de la maison de la fraternité. L’entendre crier mon nom avait été presque jouissif. Franchement, j’étais irrécupérable. Mais qu’est-ce que j’aimais ça. Et puis, il ne s’en plaignait pas vraiment. Alors je n’avais aucune raison de ne pas continuer.
Je regardais l’heure sur mon portable et poussais un sourire en en fendre l’âme, provoquant l’étonnement des autres personnes attablées sur la terrasse du bar. J’avalais une gorgée du nectar ambré et décidai d’envoyer un autre message à mon pony rose. « Bichou, je me languis de toi ? Quand viendras-tu me sauver des griffes de l’ennui ? Dois-je offrir ma chasteté au premier manant venu pour me délivrer ? » Je posais mon portable et recommençai à siroter dans ma bière, regardant les couples avec leurs enfants passer. C’était barbant.

Riley faisait de son mieux pour courir dans les routes de Chicago. Courir était un bien grand mot, puisqu'à cause du trafic incéssant, il ne pouvait pas vraiment sprinter sans vérifier d'abord que les routes étaient libres, et qu'il n'y avait pas de voiture qui arrivait. Cependant, il fallait bien qu'il se dépêche, puisque Mycroft lui avait bien fait comprendre qu'il se faisait quelque peu chier, et qu'il avait intérêt de bouger son popotin. De toute façon, il préférait éviter de retrouver un poney tiré tout droit de My Little Pony – grandeur nature, bien sûr – dans sa chambre. Avec un timing parfait, son téléphone sonna un coup, signal qu'il venait de recevoir un nouveau message. « Bichou, je me languis de toi ? Quand viendras-tu me sauver des griffes de l’ennui ? Dois-je offrir ma chasteté au premier manant venu pour me délivrer ? » Riley ne put s'empêcher de pouffer un bon coup, avant de taper rapidement sa réponse. « Comme si t'en avais jamais eu une, de chasteté. Ça risque d'être quelque peu corsé de l'offrir. » Au même moment, il faillit se faire renverser par une voiture – en écrivant son message, il n'avait pas fait gaffe à la route qu'il prenait – mais il évita le véhicule au dernier moment. Quelques instants plus tard, il aperçut le café dans lequel Mycroft l'attendait, et il se dépêcha une dernière fois, presque à bout de souffle. « J'espère que tu sais que… » Riley prit le temps de respirer une deuxième fois, histoire de ne pas tomber au sol. « … je te hais du plus profond de mon coeur. » Ce n'était, bien évidemment, pas vrai. Cependant, entre la chaleur de l'été et la course qu'il avait fait pour ne pas faire attendre Myc, il était à bout de souffle et dégoulinant de sueur. Il s'écrasa sur la seule chaise disponible à cette table, avant de siroter la bière de son ami. Après tout, il en avait bien le droit après s'être tapé non seulement un sprint au milieu de l'été, mais aussi une chambre digne des plus grands fans de My Little Pony. « J'espère que t'as pas craché dedans, parce que ce serait carrément dégoûtant. » Il lui repassa son verre, avant de se mettre plus à l'aise sur sa chaise. « Maintenant que j'ai failli mourir une dizaine de fois pour ne pas te faire attendre, j'espère que t'en as des choses à dire. J'ai plus assez de souffle pour t'insulter.  » Il passa une main dans ses cheveux qui, à cause de la transpiration, s'étaient collés à son front. En réalité, le jeune canadien était bien content de se trouver avec son ami pour l'après-midi. Au moins, ça lui donnait autre chose à faire que d'enlever toutes les figurines de sa chambre ou s'ennuyer devant un ventilateur. Puis, il l'aimait bien, même s'il était au bout de sa vie.

Je ne sais pas si c’est l’affront dont il venait de faire preuve ou l’incroyable vérité de son message qui me fit manquer de m’étouffer avec ma Leffe. Cet enfant avait du toupet ! Et c’était l’une des raisons pour lesquelles je l’aimais tant. Oui, bon, c’est vrai. J’aimais vraiment beaucoup mes frères et j’agissais toujours comme un enfant lorsque j’étais avec eux. Mais était-ce de ma faute ? Je n’avais jamais eu de famille à proprement parler. Alors maintenant que j’en avais une avec la fraternité, je n’allais certainement pas me gêner pour jouer les grands frères câlins ou alors le petit frère en manque d’amour. Je sais, il n’y avait pas vraiment de comparaison à faire entre ces deux situations, mais quand même !
Je reposais le téléphone, le sourire aux lèvres. J’allais devoir le punir pour avoir osé une telle liberté envers son président.
Je n’eus pas à attendre aussi longtemps que je le croyais. Je hélais le serveur afin qu’il puisse nous servir deux bières fraiches. Je regardais Riley tenter de s’exprimer avec un sourire narquois sur les lèvres. « Et bien… voilà ce que vaut l’équipe de foot de Chicago College… quelle déception » Il était mignon quand même. Sexy et dégoulinant de sueur. Mmmh… Je ne comprenais que trop bien les jeunes femmes autour de nous qui ne pouvaient masquer leurs soupirs. Si seulement elles savaient ce que je savais, elles pleureraient toutes les larmes de leurs corps. C’était triste quand même. Mais comme j’étais d’un naturel joueur, je rapprochais ma chaise de celle de mon petit frère et glissai le bras autour de sa taille tout en posant la tête sur son épaule. Je lui fis même un bisou appuyé sur la joue. Je miaulais de contentement histoire d’en rajouter un peu. « Que dirais-tu que nous nous confessions mutuellement mon chou ? Même si je connais déjà ton… secret. » Bien sûr que je savais.  Ça se voyait comme le nez au milieu de la figure à vrai dire. A chaque jour que dieu faisait, j’avais envie de lui faire des blagues à ce sujet mais je ne pensais pas qu’il l’aurait bien pris. Alors je m’étais tus. Mais bon sang, ça me démangeait. « Tu sais, ce n’est pas vraiment un secret, c’est juste que je ne l’ai pas encore dit aux autres alors… »  Et ça ne me ressemblait pas. Je leur disais tout. Mais comme je n’arrivais pas encore à y croire moi-même, c’était vraiment difficile de l’exprimer à haute voix. C’était comme si je pensais que si je le disais, tout allait se briser comme un miroir touché par une balle, que je me réveillerais ensuite en m’apercevant que tout cela n’avait été qu’un rêve. Riley serait vraiment la première personne à qui j’en parlerais officiellement. Peut-être qu’il avait déjà entendu les échos sur le campus car une nouvelle pareille devait se crier d’un établissement à l’autre. J’étais certain que tout le monde le savait déjà. C’était le but après tout, j’avais mis plus de cinq cent mille dollars dans cette demande. Il y avait intérêt à ce que tout le monde soit au courant.

Finalement, Riley commençait à se demander si se rendre au café était une si bonne idée que ça. Au début, tout allait bien. Myc l'avait gentiment dénigré en se moquant de son état physique alors qu'il jouait dans l'équipe de football de l'université. Et si Riley avait eu suffisamment de souffle, il aurait rétorqué que jouer au football ce n'était pas une promenade de santé, et qu'il n'avait qu'à essayer pour voir son niveau. Mais il se contenta de sourire. Ensuite, une fois la bière pour le jeune canadien posée sur la table, Mycroft rapprocha sa chaise de la sienne, avant de se jeter – presque littéralement – sur son ami. Il avait glissé son bras autour de sa taille, posé sa tête sur son épaule et embrassé sa joue. D'un côté, il craignait ce genre de contact – à chaque fois, il voyait son grand-père hurler des insultes homophobes une fois de plus, et l'idée de devoir vivre ça une nouvelle fois le terrifiait. Il savait par exemple que tout le monde n'aurait pas très bien réagi. Mais de l'autre… ça restait un contact. « Que dirais-tu que nous nous confessions mutuellement mon chou ? Même si je connais déjà ton… secret. » Il sentit ses muscles se contracter. Bien évidemment, il n'y avait qu'une chose à laquelle il pouvait penser. Bien sûr. Il aurait pu s'agir d'autre chose, mais entre une chose et l'autre, ça l'aurait beaucoup étonné. Surtout sachant la position dans laquelle il se trouvait. « Tu sais, ce n’est pas vraiment un secret, c’est juste que je ne l’ai pas encore dit aux autres alors… » Il y avait tant d’émotions dans sa tête, et pendant ce temps-là, il n'avait pas prononcé ne serait-ce qu'un seul mot. Il ne savait pas quoi dire. Il hésitait à partir sans rien dire, d'ailleurs. Ça aurait été bien plus simple que toute autre alternative, soit… parler. Il avait passé sa vie toute entière à craindre ce moment. Il ne se sentait pas prêt. Il ne l'était pas, tout simplement. « Je… » Sa gorge était nouée. Il était en colère, car ce n'était pas comme ça qu'il avait imaginé cette scène. C'était quelque chose qui devait partir de lui. Mais surtout, il avait peur, et les larmes lui montaient aux yeux. Il regarda à sa gauche, là où Myc ne pouvait pas le voir, essayant des les ravaler. « À toi l'honneur de commencer. » Sa voix se brisa sur son dernier mot, et Riley avait vraiment envie de se donner une gifle. C'était la pire réponse qu'il aurait pu donner – comme si tourner autour du pot allait changer grand-chose. À moins que la planète n'ait explosé entre temps, c'était d'une inutilité déconcertante. « Et après… ce sera à moi. Et je te préviens, ce ne sera pas ''j'adore My Little Pony''. » Il pouffa de rire très doucement. Ce n'était ni marrant ni intelligent, mais il en avait bien besoin, en vue de ce qu'il allait apparemment devoir confesser. Il espérait juste avoir la force de le faire. Sinon, ça allait être à Myc de tout dire. Et pour une fois, Riley n'avait pas envie de laisser sa place aux autres.