havre de paix & solitude <ft <Dimitri

[fringues +] Il est quatre heures passé quand je me gare sur le parking du campus. A cette époque de l’année l’université se vide doucement, ce qui en fait un endroit idéal pour aller « enquêter » sans avoir peur que quelqu’un de mal intentionné me tombe dessus. Je m’étire en sortant de ma voiture. La chaleur extérieure me prend par surprise. J’ai l’impression de subir un terrible choc thermique à cause de la climatisation. J’ai beau aimer l’été je ne serais pas contre un ou deux degrés de moins. Ou alors moins d’humidité. Je soupire et attrape la casquette qui traine sur la banquette arrière avant de l’enfoncer sur mon crâne.

Sur mon chemin je croise quelques étudiants. Je salue d’un simple sourire souvent accompagné d’un signe de main ceux que je connais mais ne m’attarde pas. Je ne veux pas qu’ils se mettent à me poser des questions. Je prends l’air occupée et essaie d’avoir l’air la moins suspecte possible. Je flippe tellement à l’idée d’être découverte que j’ai même pris un livre qui traînait dans l’appartement pour faire croire que je vais le rendre à la bibliothèque, au cas où j’aurais besoin de me justifier. C’est tout à fait ridicule je vous l’accorde mais je préfère assurer mes arrières. Quoi que je me débrouille plutôt bien depuis mon arrivée à Chicago.

Mes pas me mènent à l’étang. Un endroit peu fréquenté en temps normal. Autant dire qu’au moment de la fin de l’année scolaire, le lieu est tout simplement désert. Je m’assois contre un arbre à même le sol près de l’eau. Le tableau est assez bucolique –et sacrément cliché aussi. J’aime cet endroit. Je ne ressens pas souvent l’envie d’être seule, je suis le genre de personne à toujours avoir besoin de compagnie mais lorsque j’en ai besoin, l’étang est l’endroit idéal. Je ferme les yeux un instant pour profiter des clapotis de l’eau. C’est un endroit si paisible et un peu de tranquillité de temps en temps n’a jamais fait de mal à personne.

Je sors les fichiers ainsi que la photo de mon père de mon sac et les étales sur le sol. Je soupire. Mon enquête n’avance pas d’un pouce. La seule chose que j’ai découvert c’est que la photo a été prise sur les rives du lac Calumet. Je tourne en rond depuis. Pas de noms ni d’adresse. La tâche est bien plus dure que je ne l’avais imaginée. Il faut dire que ces dernières années je me suis plus concentrée sur mes études et surtout sur les soirées étudiantes et les Delta que sur mon père biologique…

[fringues +] J’ai devant moi les informations que j’ai trouvées sur différentes agences et enquêteurs de la ville. J’hésite toujours et encore à engager quelqu’un pour faire avancer mes recherches. Ces gens ne sont pas idiots, il ne leur faudrait pas longtemps pour découvrir qui je suis et pour comprendre quel lien me rattache à cet homme. Si un scandale éclate je ne me le pardonnerais jamais. Toute la famille royale serait tournée en ridicule. Maman serait huée et papa anéanti. Et moi j’aurais l’air de quoi ? Non, je ne veux pas voir ma famille voler en éclat parce que j’aurais manqué de prudence.

Je sursaute quand on appelle mon nom. Si bien que je me cogne l’arrière de la tête contre l’arbre. Un petit couinement de douleur s’échappe de mes lèvres. En même temps que je me tourne vers mon interlocuteur, je me frotte l’arrière du crâne là où ça fait mal. Je souris un peu bêtement, je me sens ridicule. Dimitri. On s’est rencontré une fois il n’y pas si longtemps pendant une soirée étudiante. J’avais un peu trop but et j’ai mis les pieds en plein de son espace personnel. Mais il n’a pas l’air de me fuir depuis alors je me dis que ça doit aller. Je peux être un peu brutale en temps normal, alors avec un coup dans le nez… « Dimitri, salut. » Ma voix sonne un ton plus haut mais je continue de sourire. Je dois puer la suspicion à trois kilomètres à la ronde.  

Je le voie regarder vers mes fichiers. En un temps record je rassemble toutes mes « petites affaires » et les glisse sous mon sac. Pour la discrétion on repassera. Maintenant il faut que je trouve une excuse, parce que celle du livre ne marchera pas. « J’ai un dossier à écrire cet été. » Depuis mon arrivée à Chicago j’ai pu m’exercer à mentir. Je n’en suis pas particulièrement fière. « Je suis venue travailler ici. L’étang est beaucoup plus calme que mon appartement. » Je souris. Depuis que je me suis installée en colocation, mon chez moi est beaucoup moins calme qu’avant mais ce n’est pas pour me déplaire. « Toi aussi tu cherchais un peu de tranquillité ? » Et on change de sujet, ni vu ni connu je t’embrouille.

Je ne connais pas vraiment Dimitri mais il donne l’impression de préférer la solitude à la compagnie des autres. Mon parfait opposé. Je suppose qu’il est lui aussi venu dans l’idée d’être au calme. C’est rare de croiser quelqu’un ici. C’est d’ailleurs la première fois que je tombe sur une connaissance. « Promis je serais moins bruyante qu’à notre première rencontre. » Je parle avec un ton rieur. Je lui fais signe de me rejoindre. C’est un garçon intriguant mais pas évident à aborder. Je suppose que l’étang est l’endroit idéal pour faire plus ample connaissance. Je souris encore.