« Et la prochaine fois, soyez un minimum plus rapide, histoire que mon café soit chaud quand il arrive. » Dans d'autres conditions, Riley n'aurait pas hésité une seule seconde à faire déscendre la dame qui lui parlait d'un ton si condescendant de ses grands chevaux, mais quand il était de service, il n'en avait pas le droit – pour des raisons plus que compréhensibles. Du coup, il se mordillait la langue, ce qui, d'habitude, marchait bien quand il avait
vraiment envie d'hurler un bon coup sur le client malpoli du jour. Mais à vrai dire, cela ne l'aurait ramené nulle part, et il n'avait pas très envie de perdre son boulot à cause de quelqu'un du genre. S'il devait perdre son travail à cause de quelqu'un, il aurait largement préféré que ce soit en fuyant du pays avec un bellâtre, mais c'était très peu probable à son avis. En tout cas, il avait d'autres ordres à récupérer et clients à servir, du coup, il oublia assez rapidement cette cliente, passant à autre chose. Le jeune canadien ne détestait pas son travail, loin de là; fort heureusement, d'habitude, les gens n'étaient pas
si malpolis que ça, et la plupart se contentaient de râler une fois que Riley était déjà parti. Mais d'autres étaient carrément gentils avec lui; certains se contentaient de sourir – ce qui était déjà pas mal, à vrai dire –, et d'autres engageaient même la conversation avec lui. Parfois c'était un simple ''il fait si beau dehors, n'est-ce pas?'', certes. En tout cas, même quand les clients l'ignoraient royalement, il y avait une sorte de camaraderie entre Riley et ses collègues, donc il n'était jamais vraiment seul quand il était de service, et c'était sûrement le côté qu'il préférait de son travail.
Justement, parlant du loup, Riley vit l'une des habituées du café. Il ne la connaissait pas encore au point de la considérer comme une très bonne amie ou quoi que ce soit, mais c'était toujours un plaisir de la servir et discuter par ci et par là avec elle. Son café habituel dans les mains, il se dépêcha d'aller vers sa table, histoire d'arriver avant que
celui-ci ne refroidisse. Après tout, un client râleur par journée était déjà largement suffisant, même s'il voyait mal Jolene l'engueuler pour ça.
« Bien le bonjour Jo'! Toujours le même? » Le sourire aux lèvres, il posa la tasse sur la table, avant de prendre une chaise et de s'asseoir aussi.
« À priori j'ai quelques minutes pour me reposer, à moins qu'on ne soit envahis par une horde de touristes. » Riley n'était pas seul ce jour-là, et il y avait de moins en moins de clients, du coup il pouvait se permettre de prendre une petite pause – surtout qu'il n'aurait pas hésité à prendre en charge d'éventuels ordres s'il voyait que ses collègues étaient débordés.
« Bref, assez parlé de moi. Quoi de neuf depuis ton dernier café? » Riley savait que Jolene fréquentait la même université que lui, mais ils ne se croisent pas si souvent que ça – ce qui était compréhensible, puisqu'il étudiaient des matières différentes – du coup, quand il se parlaient, c'était souvent au café. Il fallait avouer que c'était assez régulier sachant que Jolene était une habituée du café, mais Riley regrettait quelque peu de ne pas la voir plus, peut-être. En tout cas, c'était un plaisir pour lui de discuter avec elle, et sûrement bien plus agréable que rester derrière la caisse à compter des petites pièces ou se faire agresser par des clients – ou souvent, les deux.