(joshua) ≡ smoke and mirrors.

« Mon père à moi, il reviendra tu crois un jour ? » Assis dans le jardin en train d’observer calmement son demi-frère en train de jouer avec son père, Joshua n’avait pas pu s’empêcher de poser la question. Ce n’était pas qu’il n’aimait pas son beau père, au contraire, il était génial avec lui et puis, il disait souvent que la famille, c’était loin d’être une question de sang. Il voyait Joshua comme son fils et Joshua le voyait comme son père. Il savait bien pourtant, qu’il avait un autre père, un vrai père. Il savait qu’il était parti depuis de nombreuses années maintenant, mais il se demandait souvent s’il finirait par revenir. Pourquoi est-ce qu’il était parti d’abord ? Peut-être à cause de lui, il n’en savait rien. Sa mère n’avait pas envie de parler de ça. Elle restait toujours très vague quand elle parlait de son père. Il ne l’avait jamais connu alors ce n’était peut-être pas important. On avait jamais voulu lui mentir, alors il pensait bien avoir toujours su qu’il n’avait pas le même père que son frère, c’était d’ailleurs pour ça qu’il n’avait pas le même nom que lui. C’était bizarre d’ailleurs. Mais sa mère disait qu’il tenait en être fier parce qu’il reflétait ses origines. Pour ce qu’il en avait à faire lui de ses origines. Son père était mexicain, c’était à peu près tout ce qu’il savait de lui. Ce n’était pas très utile d’après lui. Sa mère haussa les épaules avant de remplir de nouveau son verre de limonade et de s’asseoir à ses côtés pour passer son bras autour de son épaule. « J’en sais rien, je suis désolée mon cœur. » Il haussa les épaules à son tour. Ce n’était pas bien grave dans le fond. C’était juste qu’il avait des questions auxquelles il semblait qu’il n’aurait jamais de réponses. Ça ne voulait pas dire pour autant qu’il n’était pas heureux. Il avait tout ce qu’il lui fallait ici. Une famille unie au sein de laquelle il était bien et c’était de loin le plus important. « C’est pas grave. » Marmonna-t-il avait d’avaler le contenu de son verre et de venir se lover contre sa mère. « Tu sais, de toute façon, un père c’est pas forcément celui avec qui tu partages le même sang. » Elle lui adressa un sourire avant de poser à son tour les yeux sur son mari, occupé à jouer avec Andy. Il savait bien tout ça. Elle le disait tout le temps, son beau-père le disait aussi et c’était probablement quelque chose que lui aussi il ressentait au quotidien. Il n’était pas le seul gamin dans ce cas de toute façon. Il y avait de plus en plus de familles recomposées et la sienne en faisait partie et de son point de vue, c’était probablement la meilleure famille du monde entier. « Oui je sais. » Sa mère lui adressa un large sourire avant de déposer un baiser sur son front et de défaire son étreinte, rapidement, le garçon sauta de sa chaise pour courir en direction de son beau-père et de son frère, histoire de se joindre à leur jeu.

« J’ai toujours pas de cavalière pour le bal de promo. Ça craint sérieux. » Joshua faisait parti de ces gens pas forcément très populaire au lycée et qui avait du mal à se faire une place parmi la foule des autres élèves. Il avait eu une petite amie pendant quelques temps, mais ils n’étaient plus ensemble à présent, alors cette histoire de bal de promo ça l’agaçait. Il n’avait même pas envie d’y aller. C’était le regroupement par excellence de tous les gens qu’il détestait. Il aurait préféré rester chez lui à regarder un bon film à la télé. Sa mère disait qu’il fallait absolument qu’il y aille. Elle pouvait passer des heures à raconter son propre bal de promo, c’était sa façon à elle de lui expliquer à quel point il s’agissait d’un évènement exceptionnel. Ce qu’elle avait tendance à oublier c’était qu’elle, elle avait été une jolie jeune femme avec plein d’amis et un petit copain, alias, son mystérieux père à cette époque. Lui, il n’avait rien de ça. Il n’avait qu’Esthee. « Ouais, c’est galère, j’ai personne non plus. » Il soupira. Ils n’avaient pas de chance tous les deux. Heureusement, ils étaient ensemble dans cette galère. Ils l’avaient toujours été. Il avait l’impression qu’il connaissait la jeune fille depuis toujours. Elle était sa meilleure amie et sa présence avait toujours réussi à tout rendre beaucoup plus simple. Ils étaient inséparables et il était hors de question que l’université ait raison de leur amitié. C’était pour cette raison d’ailleurs, qu’ils avaient choisi de partir ensemble à l’université. Pas question de se séparer. Si elle avait voulu partir à l’autre bout du pays, il serait venu avec elle, il n’y avait aucun doute là-dessus. Il ne pouvait pas imaginer sa vie sans qu’Esthee soit auprès de lui. « Tu sais quoi ? Je crois qu’on devrait y aller ensemble. » Pourquoi pas après tout ? Puisqu’ils avaient déjà tout fait – ou presque – ensemble, pourquoi pas ça ? Et puisque c’était l’occasion de passer une bonne soirée avec les gens du lycée qu’on apprécie, il ne voyait pas meilleure cavalière pour se bal qu’Esthee. La simple idée d’y aller en compagnie de sa meilleure amie semblait rendre cette histoire de bal beaucoup moins chiante. Un sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme alors qu’elle hocha la tête. « T’as raison, ce sera beaucoup mieux comme ça. » rapidement ils se tapèrent dans la main, comme pour conclure leur pacte. Maintenant il avait la sensation qu’il allait passer une bonne soirée. Bien-sûr, il faudrait d’abord réussir à faire abstraction de tous les imbéciles décidés à lui pourrir la vie tous les jours depuis qu’il était entré au lycée. Mais une fois que ce serait fait, il pourrait sans doute passer une bonne soirée. Et puis, il fallait bien marquer le coup. Ils étaient diplômés maintenant, ils allaient pouvoir laisser le lycée derrière eux pour rentrer à l’université. Il fallait bien fêter ça et il voulait absolument célébrer la chose avec Esthee, après tout c’était en sa compagnie qu’il avait maudit le lycée, elle était la personne idéal avec qui fêter la fin de cet enfer.

« Désolé, je suis en retard, j’ai été obligé de nettoyer les toilettes à la brosse à dents. » La jeune femme soupira avant de hausser les épaules, alors qu’il déposait ses affaires pour s’asseoir en face d’elle. « C’est pas grave. » Depuis qu’il avait réussi à intégrer la fraternité Sigma Chi, il n’avait plus une seconde à lui. Entre le boulot le soir et les activités à la confrérie, il passait son temps à courir. Ils s’étaient promis pourtant, avec Esthee, qu’ils se retrouveraient toutes les semaines, même jour même heure au café, histoire d’avoir un moment qui n’appartiendrait qu’à eux deux. Mais ce n’était pas aussi simple que ça en avait l’air. La dernière fois, il avait été retenu par un entrainement, la fois d’avant par une histoire à la confrérie et cette fois, il avait une bonne demi-heure de retard. En quittant le lycée, il n’avait eu pratiquement qu’un seul objectif : celui d’intégrer les Sigma Chi. Il avait décidé qu’il ne ferait plus parti des garçons qu’on ne remarquait jamais, de ceux dont on se moquait quand ils traversaient un couloir. Ça  avait été son quotidien au lycée et il avait décidé que ça devait se terminer. Il volait qu’on le remarque, il voulait faire partie de ces types que les filles dévorent des yeux, il voulait qu’on retienne son nom plutôt que de se faire appeler le geek à tout va. Sigma Chi c’était sa chance et il ne pouvait définitivement pas la laisser filer. Il adorait Esthee, il n’v avait aucun soucis là-dessus, elle serait toujours sa meilleure amie, mais cette année c’était un peu compliqué, mais ça irait mieux après, elle pouvait en être certaine. « Alors qu’est-ce que tu racontes de beau ? » Il s’intéressait toujours à elle, bien-évidemment et elle lui manquait quand ils ne se voyaient pas pendant trop longtemps, mais pour lui, ça ne venait rien changer à ce qu’ils étaient. C’était juste que maintenant qu’ils étaient à l’université, c’était plus compliqué que lorsqu’ils étaient au lycée. Il y avait plus de boulot plus de responsabilités. « Et bien tu vois … » La jeune femme fut coupée en plein dans sa phrase par le téléphone portable de son ami qui venait de se mettre à sonné. Elle ne continua pas sa phrase, laissant son ami attraper son téléphone pour voir ce qu’on lui voulait. C’était un message du capitaine de l’équipe. Il grimaça avant de ranger son portable et d’attraper ses affaires. « Je suis vraiment désolé Esthee, je dois y aller. On se voit plus tard c’est promis. » Il se leva de sa chaise avant d’aller déposer un baiser sur la joue de la jeune femme, ignorant son soupire à peine discret. Son capitaine avait prévu un entrainement en vu du match qui arrivait à grands pas, il était hors de question qu’il loupe ça, alors il quitta le café aussi rapidement qu’il y était entré, laissant seule la pauvre Esthee.

« J’arrive pas à croire que tu ne sois pas venu hier ! » Nerveusement il pinça les lèvres. Il y avait eu cette soirée la veille et c’était bien vrai qu’il avait reçu un message d’Esthee lui demandant de la rejoindre, il avait répondu qu’il arrivait et puis il y avait eu cette fille des alpha omicron alors oui, il avait peut-être oublié le message de sa meilleure amie. Pour sa défense, cette fille avait de quoi faire oublier n’importe quoi à n’importe quel type censé. Il avait vraiment passé un bon moment avec elle, mais il se doutait bien que ce n’était certainement pas la meilleure chose à dire à Esthee pour se faire pardonner. « Je suis désolé, j’ai pas vu le temps passer. Qu’est-ce que je peux faire pour me rattraper ? » Elle leva les yeux au ciel d’un air exaspéré. Il y avait bien quelque chose qu’il pouvait faire pour se faire pardonner, elle était sa meilleure amie, elle pouvait bien laisser cette histoire derrière elle non ? « Joshua, tu ne te rends pas compte du problème ! » Où est-ce qu’elle voulait en venir ? Il avait bien conscience que ça ne se faisait pas de lui poser un lapin, mais ce n’était pas comme si ça arrivait souvent. Si pourtant. Alors qu’il y pensait maintenant, ce n’était pas la première fois qu’il faisait ça. Depuis des années, il se comportait comme un con avec elle. Combien de fois il avait dit qu’il était désolé mais sans faire le moindre effort derrière ? Il avait oublié sas doute. « T’es plus le même depuis que t’es rentré dans ta fraternité débile ! » Elle exagérait par contre, il n’avait pas tant changé que ça et sa fraternité était loin d’être débile. Ces mecs étaient ses potes, ses frères même. Elle ne pouvait pas juger ça injustement. Elle ne pouvait pas comprendre, elle qui n’avait jamais eu envie de rentrer dans la moindre confrérie de l’université. « Jvois pas ce que tu veux dire. Je suis toujours moi. » Elle leva les yeux au ciel encore une fois. « Tu t’éclates à des soirées débiles. Tu as récuré les chiottes à la brosse à dents pour être accepté parmi eux ! Tu m’oublies. C’était quand la dernière fois qu’on est allé tranquillement se faire une soirée ciné, rien que tous les deux ? » Les soirées n’étaient pas débiles quand on y réfléchissait à deux fois et cette histoire de nettoyage de toilettes, c’était des années plus tôt au moment de son bizutage, c’était loin derrière lui. Et puis, ça ne pouvait pas faire si longtemps que ça qu’il avait été au cinéma avec Esthee. Quoi que. Elle avait peut-être raison, mais il avait grandi, c’était normal de changer en grandissant. « J’y peux rien, je deviens plus mature, je ne m’amuse plus des mêmes choses ! » C’était comme ça qu’il voyait les choses en tout cas. Un avis probablement pas partagé par sa meilleure amie. « Donc, boire à ne plus en savoir ton nom, draguer n’importe qui, c’est plus amusant que de passer une soirée avec moi ? Merci beaucoup ! T’es pas en train de grandir, au contraire, tu te comportes comme un gamin ! » C’était elle qui ne savait pas s’amuser d’après lui. Elle était coincée, elle avait toujours été coincée, peut-être que si elle s’ouvrait enfin, elle comprendrait, mais non, elle préférait son petit monde de coincés, cet enfer duquel lui, il avait décidé de sortir. « Retire le balai que tu as dans le cul et peut-être que tu comprendras ! » Il avait parlé plus vite qu’il ne l’aurait voulu et vu son regard elle était considérablement vexée. « Laisse tomber. Vu ce que tu es devenu, je suis contente de ne plus être ton amie. » Sans ajouter un mot, elle commença à s’éloigner, il lui fallut quelques secondes pour comprendre ce qu’elle venait de dire. Elle n’était plus son amie. Elle ne voulait plus être son amie. Un lourd pincement au cœur lui donna presque la nausée. « Esthee ! Je suis désolé. » Il était trop tard, elle ne l’écouta pas, continuant sa route. Il l’avait perdue, elle, la seule qui avait toujours été là pour lui. Il l’avait regardée partir, le cœur lourd, comme si quelque chose en lui venait de se briser.