ROMY (+) SUCEZ LA MOELLE DE LA VIE MAIS N'AVALEZ PAS L'OS [SCÉNA SAHEL]

Romy, bruyante. Romy, insolente. Romy, dérangeante. Romy, indolente. L'éternelle abandonnée au fond de la classe. Elle n'a jamais su s'adapter au système scolaire ; elle ne comprenait pas pourquoi elle ne pouvait pas échanger quelques paroles discrètes avec ses camarades pendant la classe, ni pourquoi elle n'était pas autorisée à intervenir quand cela lui semblait opportun ou pourquoi elle n'avait pas le droit de se rendre aux toilettes quand cela était nécessaire et pourquoi elle devait revêtir chaque jour le même habit ridicule. Romy, elle a toujours posée beaucoup -trop- de questions. Ça devait les ennuyer, les adultes. En plus, elle a une écriture illisible. Elle rature trop, tout le temps. Ça aussi, ça les ennuyait beaucoup.




« M'man » Celle-ci prenait soin de repasser correctement tous les plis de son uniforme, pas question que sa fillette arrive débraillée à l'école. Elle lui jetait un œil furtif, signe qu'elle écoutait. « Tu sais, moi, les garçons, je ne les aime pas beaucoup. » La jolie maman cessait subitement ses activités et se rapprochait doucement de son enfant. « Pourquoi dis-tu ça Romy ? » Elle répliquait presque tout de suite. « Ils sont toujours en bande et pouffent de rire sans arrêt en nous regardant, c'est agaçant. Je n'ai pas très envie de jouer avec eux. Ils sont dégoûtants, les garçons. Je ne les trouve pas très intéressant, tu comprends ? » Elle souriait, largement et franchement, même si les propos de sa jeune fille la poussait à la réflexion.  « Oui et ça ne doit pas te préoccuper ma chérie. Ils changent en grandissant et toi aussi, tu vas changer ; tu apprendras à les apprécier. » La demoiselle s'interrogeait et décidait de poursuivre davantage. « Mais si, même en grandissant, je n'ai pas envie de les embrasser ? » Romy voyait l'expression sur le visage de sa mère changée subitement alors elle ajoutait simplement. « Je sais que je devrais faire ça, plus tard, mais si je n'ai pas envie ? » Son père interrompait la conversation et se voulait rassurant « Romy, tu ne seras jamais forcé de faire quoi que ce soit que tu ne veux pas faire. » Ses parents se dévisageaient amoureusement tandis que la petite fille arborait une moue peu convaincue. Elle comprenait qu'ils ne souhaitaient pas réellement continuer cette conversation. Son père déposait un baiser sur son front avant de l'interroger une dernière fois. « Est-ce que ça te rassure, ma grande ? » Elle hochait la tête, brièvement.  




Il avait l'air d'un gentil bonhomme. Il n'était pas très grand et plutôt maigrichon. Romy le dévisageait assez grossièrement. Il avait de grands yeux, vraiment très bleus. Des cheveux blonds et un teint beaucoup trop pâle. Il bredouillait timidement quelques mots pour se présenter à la classe. Il s'appelait Harry, il avait onze ans et il était presque content d'être là. « Bien, Harry, tu peux aller t’asseoir. Où tu voudras. » Son parfum l'enivrait au fur et à mesure qu'il approchait d'elle. Le professeur regrettait déjà de voir s'évanouir tous ses espoirs fondés sur ce nouvel élève. S'il s'assoyait au fond, cela signifiait forcément qu'il ne figurerait pas parmi les plus érudits.




« Mon joli trésor » Murmurait Romy, veillant sur le sommeil de son ami. Elle était allongée près de lui, (il lui laissait toujours un bout de lit parce qu'à son chevet, elle lui semblait encore trop loin) enlaçant son petit corps chétif. Sa main recouvrait la sienne ; une énième tentative pour la réchauffer. Son corps semblait s'éteindre mais, son cœur se débattait encore avec toute la force dont il disposait. Elle blottissait sa tête dans le creux de son cou où elle déposait parfois quelques doux baisers. Elle n'en pouvait plus ; de ces murs blancs, de ces gens : étrangers et empressés (…) Elle s'efforçait de rendre ça moins pénible, mais de toute évidence, cela l'était plus pour elle que pour lui. « Tu veux que je te dise, tu as le cœur doré. Il est tout petit, tout rond, avec quelques paillettes argentées, égarées sur le dessus. Il n'est ni rouge, ni creux, il n'a ni ventricule gauche, ni ventricule droit. Ils n'ont jamais supporté ça, les scientifiques et les médecins.  » Affirmait-t-elle subitement, convaincue qu'ils avaient tous tord. Peut-être essayait t-elle de se rassurer elle-même. Le visage d'Harry arborait un sourire qu'elle ne pouvait pas voir alors, il serrait sa main, un peu plus fort dans la sienne.




Les joues de Romy étaient plus rouges que le sang qui s'écoulait dans ses veines. Ses mots s'évanouissaient à l'orée de ses lèvres. Ils étaient mouillés des larmes qui perlaient à ses paupières. Elle s'effondrait dans la terre qui le recouvrait désormais. Puis, inclinait tête et bras et repliait ses mains autour de ses genoux. En position fœtale, elle ne craignait plus rien. Plus rien du tout. La mélancolie était là, sur sa langue écorchée, au fond de sa gorge desséchée.